Proposition chorégraphique de Yara Al Hasbani sur la confiscation du corps des femmes arabes.

en résidence du 30 août au 8 septembre 2021

Projet : Confiscation

proposition chorégraphique de Yara Al Hasbani sur la confiscation du corps des femmes arabes.

avec Yara Al Hasbani (Syrie/France), Aurélia Chalono (France), Saja Noori (Syrie/Allemagne), musique Louise Debaecker (France), costumes Ayoub Moumen (Tunisie/ France)

production : l’atelier des artistes en exil
avec le soutien de la Région Île-de-France dans le cadre du dispositif FoRTE
(Fonds régional pour les talents émergents) et de la SACD

et le soutien de la Direction Générale de la Création artistique.

 

intention :

Danseuse syrienne en exil en France depuis 2015, j’éprouve le besoin de parler des femmes arabes, et plus spécifiquement des femmes syriennes et de l’injonction de sujétion corporelle qui leur est faite. Tous contrôlent son corps (son père, ses frères, sa mère, ses oncles, ses fils), sauf elle. En tant que danseuse, j’ai toujours cherché à m’émanciper par mon corps.

Mon installation en France m’a permis d’affronter une autre réalité, et un regard réflexif sur le quotidien que j’ai connu. Je veux à mon tour m’emparer des slogans féministes adoptés dans les années 1970, au moment du débat sur l’avortement, et reprendre à mon compte cette évidence que le corps de la femme n’appartient qu’à elle-même et à personne d’autre : « Un enfant si je veux, quand je veux. Pas d’enfants à la chaîne, pas de chaîne pour les enfants.

Pas de lois sur nos corps. Nous aurons les enfants que nous voulons. Notre ventre est à nous. Mon corps est à moi. Mon corps, mon choix. Pères, juges, maris, médecins, notre corps nous appartient. Pas de rosaires dans nos ovaires. My body my rules… ». Cette dépossession corporelle est éminemment politique. Comme l’a écrit Nisar Qabbani, célèbre poète syrien chanté par Fairouz ou Oum Kalthoum, à propos de la beauté féminine : « tout ce qui concerne la féminité dans nos sociétés est honteux, c’est pourquoi personne ne se sent en paix et dort avec un couteau sous l’oreiller ». Les hommes réagissent
plus violemment à des cheveux coupés courts qu’au découpage d’un morceau de terre, rendant hermétiques les sociétés dans lesquelles ils vivent. Puisque le corps de la femme appartient à tout le monde, on peut la violer, la contrôler, décider ce qu’on en fait et la considérer comme un butin.

En situation de guerre, comme c’est le cas en Syrie aujourd’hui, le corps de la femme est particulièrement menacé. Il est violenté et violé. La femme engagée dans les conflits est plus exposée au danger que l’homme. En plus de tout ce que ce dernier endure, y compris des tortures, la femme subit des agressions sexuelles, notamment en prison. Elle porte aussi dans son corps la perte des hommes qui lui sont proches (pères, maris, fils happés par la machine de guerre) et le combat qu’elle mène pour perpétuer leur mémoire. C’est sans compter la pire des humiliations qui soit faite encore aux femmes au Yémen, en Égypte, au Soudan et d’autres pays où l’on pratique encore l’excision : une mutilation pour interdire l’accès au plaisir, cette chose honteuse dont les femmes devraient être privées, car le plaisir est impur pour les femmes.

Ayant précédemment créé une petite forme chorégraphique de 10 minutes, Unstoppable, toujours présentée comme une performance en première partie ou en accompagnement d’un autre spectacle, je m’attèle aujourd’hui à l’écriture d’un trio d’une durée de 50 minutes.

Dans cette pièce, je veux dérouler ma propre histoire et celle des danseuses présentes à mes côtés sur le plateau. Il s’agit d’explorer le rapport que nous entretenons avec nos corps à travers la confiscation qui est faite du corps des femmes arabes et leur absolu besoin d’émancipation..

En parallèle, je souhaite mettre en place des ateliers de danse contemporaine en direction de femmes migrantes qui ont vécu la guerre (en partenariat avec des centres d’hébergement d’urgence ou des centres d’accueil pour des demandeurs d’asile), pour partager avec elles une expérience commune de l’impact de la guerre sur les corps des victimes et construire une forme chorégraphiée collective.

© Khaled Alwarea

© Khaled Alwarea

 

Yara Al Hasbani
Née en 1993 à Damas, Yara Al Hasbani étudie le ballet et la danse contemporaine à l’Institut supérieur d’art dramatique de Damas. Avec SIMA, collectif syrien de danse contemporaine, elle remporte l’émission Arab Got Talent en 2013 au Liban avec une chorégraphie contre Bashar al-Assad. Elle danse dans des festivals (Dancing on the Edge, Action for hope, Art pour la paix, Le Printemps de la danse arabe, June Events), des pièces qui reflètent la réalité syrienne et son engagement contre la dictature. Elle monte son premier solo, Unstoppable, présenté dans le cadre du Printemps de la danse arabe en 2018. Elle danse dans Va voir là-bas si j’y suis de Thierry Thieû Niang. Elle est membre de l’association Pierre Claver et de l’atelier des artistes en exil.

Aurélia Chalono
Né en 1993 à Saint-Germain-en-Laye, Aurélia Chalono est danseuse, mais pratique également les arts martiaux, l’acrobatie, la roue Cyr et la photographie. En 2013, elle crée la chorégraphie de l’opéra pour enfants Ein Märchen vom Fluss au Atze Theater à Berlin. En 2018, elle explore dans Vulgaires les marges de liberté à travers trois corps de femmes très différentes. En 2019, elle signe le duo Encounter et son solo Memories. Elle danse pour la Compagnie 5,6,7,8 en Inde, la Permanence Chorégraphique de la Chapelle, le Collectif Interminables et participe aux performances improvisées Love and Intestine. Elle enseigne la danse au Conservatoire de Houilles depuis 2019.

Saja Noori
Née en 1995 à Bagdad en Irak, Saja Awat Noori suit sa famille en Syrie à l’âge de 10 ans. Elle étudie la danse à l’Institut supérieur d’art dramatique de Damas. Performeuse, chorégraphe, danseuse et modèle, elle travaille notamment avec les collectifs de danse contemporaine SIMA et Harake. En 2015, elle s’installe à Berlin et rejoint inter.collective.berlin. Elle se produit dans des spectacles et des films, dans des festivals à travers le monde. Avec Michale Daoub, elle signe la performance Fine Line, danse et chorégraphie pour la pièce A hot summer night in a forgotten city d’Ousama Alhafiri.

Louise Debaecker
Née en 1996 à Nogent sur Marne, en France, Louise Debaecker est violoncelliste. Dès ses 4 ans, Louise Debaecker rencontre Jo le Cello (son violoncelle) avec lequel elle découvre la musique classique, l’improvisation et le jazz. Après des études littéraires et philosophiques à la Sorbonne, elle commence l’American School of Modern Music où elle étudie le chant
(avec Lou Tavano) et le violoncelle jazz (Clément Janinet), puis au CRD de Bobigny (avec Déborah Tanguy). Investie dans divers projets dont un solo, elle continue d’explorer la musique et sa diversité; du chant classique (Choeur de Grenelle), à la folk (projet de David Lesueur) en passant par le jazz, la musique a capela. En 2018 elle rencontre Alix, Lionel et leur projet Loba avec qui elle a enregistré leur premier disque.