En résidence du 14 au 28 Juillet 2022

“Je deviendrais le Paysage car l’horizon me désespère”

Orfèvre à l’origine, scénographe trans disciplinaire, je suis dans cette recherche entre Nature et Scènes pour mon travail personnel.
Considérant que la scénographie est un art qui n’a rien à montrer, mais qui donne à voir.
Autrement dit c’est art de la relation, et c’est cela que je souhaite questionne au cours de cette première phase de résidence
au travers de dessins monumentaux qui sont comme autant de méditations.

Raymond Sarti – © Michel Gantner

 

Biographie :

Né en 1961. Vit et travaille à Paris
« De l’oeuvre au lieu, de la scène aux paysages.
Du sens à la forme…C’est ainsi que prennent forme les scénographies, les dessins ».
Diplômé de l’École Boulle en 1981, section Gravure sur acier, Design. De l’espace méticuleux de la matrice de l’orfèvre, il cisèle à présent les espaces pour en faire des lieux, des œuvres dessinées. Dans le souci d’une conjugaison des Arts, de la pluralité, comme base de sa démarche, il collabore auprès de nombreux metteurs en scène, chorégraphes, réalisateurs, plasticiens, architectes et paysagistes. C’est par l’emprunt de ces chemins de traverses et de ces rencontres que son voyage artistique se fonde. Chaque domaine de projet constitue autant une expérience intellectuelle qu’artistique nourrit du contexte où il est produit.
Il donne de nombreuses conférences sur les enjeux culturels de la scénographie et intervient en workshop dans les écoles d’art et universités françaises et internationales. Il bénéficie à présent d’une reconnaissance tant nationale qu’internationale.
Il enseigne la scénographie depuis 2007, à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris.

En 2000, il est promu Chevalier des Arts et des Lettres par Madame la Ministre de la Culture, Catherine Trautman.
En 2003, il reçoit une bourse d’aide à la création par la Chambre de Commerce et d’Industrie de la région Centre.
En 2004, le projet Mémoire de Garrigue Pont du Gard, site classé UNESCO reçoit le Prix ARTURBAIN.
En 2011, il initie un colloque international sous l’égide de l’ENSAD, dont le thème « Qu’est ce que la scénographie ? » qui regroupera durant deux jours, 50 scénographes, metteurs en scène, chorégraphes, universitaires, venus d’Europe à la Grande Halle de la Villette.
Cette première rencontre internationale de la scénographie donnera lieu à des actes « entre Pratiques et enseignements ».
En 2016, il reçoit le Prix du Design et de la Scénographie « Paris Shop Design », section Culture, décerné par la Ville de Paris, la CCI d’Ile de France, l’Ordre des Architectes, pour le Conseil Général de la Réunion à Paris.

 

Raymond Sarti – © Michel Gantner


Scénographie du trait – Le regard voyageur


Depuis des années R Sarti est un créateur de lieux, de liens. Il crée des cadres, des paysages physiques, sonores, dans lesquels dramaturges, musées, cinéastes retrouvent leurs propres codes pour « figurer » des ambiances dans lesquelles les regardants spectateurs anonymes plongent et se repèrent. Il se fait la « voie » des autres au sens chinois dao .
Il n’est pas surprenant que ce périple permanent dans les méandres des autres le conduisent à l’envie d’exprimer son propre univers et de laisser filer le crayon là où son subconscient l’emporte. Lieu esthétique habité de voix intérieures, vers ces « illuminations profanes » comme se plait à les nommer Philippe Filliot.

Le bic et la gravure sur verre tissent la trame de baignades insolites dans le monde flottant de R. Sarti, témoin de son « encrage » dans ce voyage aventureux de l’espace intérieur. Dans l’expression du trait surgit le coeur du sens. Ce trait de bic pourrait être celui mono maniaque d’une Beverly Baker ou d’un Yuichi Saito. Mais la composition et l’intention sont bien celles d’un lettré scénariste.

Pour cerner son propre univers – qui n’est pas un univers de commande – mais dont la construction relève des mêmes intentions – il chuchote avec son ses outils, racontant les fêlures du temps, les fêlures de sa vie. Ces « paroles » déposées telles de fines brindilles , multiples, convulsives mais sensées ne sont pas l’impensé de pensées muselées. Elles disent la plainte de l’homme qui doute, de l’homme qui voit, de l’homme qui sait ….mais surtout de celui qui crie la douleur de voir des territoires blessés, de celui qui « portraitise » une nature suppliciée.

Cette complainte répétée traverse le verre, transporte l’intention au cœur de l’espace intime, s’insinuant pour pénétrer au cœur de l’homme, là où le surgissement s’opère grâce à la puissance du trait. Mystique laïque qui nous transporte vers l’aimantation vitale d’ un nouveau surgissement, comme d’une sagesse antique.

Les dessins de RS sont réalisés avec des bic noirs qui lui permettent de tracer sa route, contourner les écueils de ses doutes au rythme de 4 kilomètres par stylo. Mais surtout sa recherche picturale s’inscrit dans une confrontation, un échange fécond entre le trait au bic et la gravure sur verre. Mixité et juxtaposition du verre et du papier velin lui permettent « d’imprimer sa trace » dans ce que Karl Popper appelait « le monde 3 » La science, la philo et les arts. « Nous ne trouvons le dehors qu’à travers le dedans. Nous sommes prisonniers de nos esprits et de nos corps mortels mais c’est en êtres incarnés que nous vivons dans le monde que nous explorons. » KP.

Ainsi ce dessin déployé se mute dans l’espace, comme autant d’œuvres, de fables immersives, flottantes, où un son minimal parfois se fait entendre et s’en échappe. Entre réalités et fantômes, c’est un univers sensible qui nous rappelle perpétuellement cette oscillation au Vivant et à l’éphémère de toutes ses composantes. Moments suspendus propres à une méditation profane.


Frédérique Jacquemet.