en résidence du 31 août au 10 septembre 2021 et du 18 au 29 avril 2022
Vous êtes seule à cette table ?
L’idée nous est venue autour d’un café dans la cuisine de l’atelier collectif que nous partagions en 2016. Le besoin de converser à deux, entre femmes, était devenu évident. C’était juste avant #metoo. Nous avons convenu de nous retrouver régulièrement et avons créé à ce moment-là l’espace de nos paroles. Nous devions avoir suffisamment de temps devant nous pour que la conversation puisse nous emporter, un thé bien chaud, une table et deux chaises confortables, la porte de notre atelier fermée. Nous avons laissé nos discussions aller leurs chemins, avec deux consignes
toutefois. Celle de prendre des notes de la parole de l’autre et celles d’alterner sujets intenses et références légères. Nous avions ouvert les vannes. Dans le même temps déferlait à l’international un flot continu d’informations et d’œuvres. Nous y avons croisé la chorégraphe Gaëlle Bourges et son spectacle Conjurer la peur, Valentine Schlegel et sa monographie Je dors, je travaille, Julie Delporte et son roman graphique, Moi aussi je voulais l’emporter…
Ces rendez-vous ont été pour nous le terrain de prises de conscience, de déconstructions, de solidarités. À mesure que nous partagions déconvenues et trouvailles, nous avons grandi et fait grandir notre lien. Nous avons rassemblé en une matière dense, retranscriptions de nos conversations, photographies collectées et notes dessinées. Aujourd’hui, pour en prendre soin nous souhaitons prendre le temps de dérusher, réécrire, redessiner, assembler pour produire une publication entre témoignage et poésie.
Il s’agit pour nous de garder et de partager la mémoire d’un moment qui aura été décisif et déterminant.
Ludivine Mabire
Ludivine Mabire envisage la création graphique comme une manière de rendre visible et lisible les idées. Ses images sont des prétextes pour être en mouvement, partager une trajectoire, donner de l’espace aux compagnonnages artistiques. D’un point de vue formel, sa pratique est profuse : des photographies comme des notes quotidiennes, des dessins troublés par le mouvement de la marche, des dispositifs d’invitation, un drapeau, des publications à partir de contenus inexploités par d’autres artistes, des affiches portants des messages militants, des portraits de dos, des photocopies… Entre maîtrise et lâcher prise, elle filtre cette épaisse matière du réel, pour en retirer des images vigilantes, aux apparences légères, parfois trompeuses. Ses images sont mobiles par essence : affichées dans la rue, elles passent de main en main, se trouvent sur un comptoir de bar ou dans le rayonnage d’une librairie. De l’imagerie populaire vivante et spontanée à des séries au long cours, Ludivine poursuit les formes qui révèlent la nature latente, esthétique et poétique, du quotidien.
Aurélie Guérinet
Diplômée des Beaux-arts de Lorient en 2020, Aurélie Guérinet développe un travail d’écriture où les images, les signes graphiques et les mots procèdent ensemble. Par le biais du livre d’artiste et de l’image éditée en multiple, elle expérimente des formes d’écriture poétique visuelles et sonores. Ses recherches sont autant de réappropriation du langage et tendent à rendre visibles les activités vernaculaires et les évènements qui passent inaperçus. Elle transmet sa soif de collectionner des images, des mots, des histoires, des souvenirs, lors d’ateliers en collège, en détention, et elle compose des récits, témoigne, transmet des messages d’empouvoirement en collant des affiches dans la rue ou lors d’exposition. Elle travaille seule autant qu’en groupe. Elle s’arme du pessimisme de l’intelligence et de l’optimisme de la volonté, avec ses casquettes de féministe, de designeuse graphique, d’écrivaine et de dessinatrice pour travailler. Elle souhaite modestement que son travail permettent aux gens de se réapproprier leur propre histoire pour avoir la disponibilité et l’envie d’imaginer un monde meilleur. Elle est à la croisée des chemins de Valérie Mréjen, Till Roeskens et Agnès Varda. Ses œuvres, ancrées dans le réel, vivantes, donnent à la marge, à l’intimité, une voix off qui fait écho à nos monologues, nos doutes, nos certitudes sur nos doutes.