en résidence du 4 au 10 avril 2022, 26 septembre 2022, 21 au 27 novembre 2022
Try again
Try again est une tentative d’exploration au long cours de la notion d’échec, interrogeant en creux l’obsession de réussite propre à notre époque. Comme en réponse à l’immensité du sujet auquel il s’attaque, Try again se compose de deux volets qui continueront d’évoluer en parallèle, de se répondre, de s’influencer l’un l’autre tout au long de la vie du projet :
– Une forme scénique, performance jubilatoire composée exclusivement de tentatives, d’essais qui -si tout va bien- échoueront. Des extraits d’interviews, témoignages et autres récits d’échecs viendront éclairer (ou contredire) ces expérimentations pratiques entre jeu, comédie physique et contre-prouesses circassiennes.
– Une exposition installative qui permettra d’appréhender la notion d’échec à travers le prisme d’outils différents, d’inviter d’autres artistes ou chercheurs à participer, mais également de restituer une partie du travail de documentation et d’action culturelle qui accompagne toute la création de l’œuvre.
J’imagine aujourd’hui Try again comme une dégustation d’échecs et de désillusions, une entreprise concrète de déstabilisation de notre modèle unique de réussite. Un hommage authentique à l’erreur, à la sérendipité et à l’hésitation. Tout ce qui y sera entrepris y sera implacablement et méticuleusement raté, depuis l’entrée en scène jusqu’au tombé de rideau. En cela Try again constitue une expérience inédite, une performance composée exclusivement de tentatives, d’essais qui -si tout va bien- échoueront. Ces multiples tentatives confèrent à l’œuvre une écriture fragmentaire. Elles se succèdent, se répètent, se répondent, se contredisent ou s’annulent même. L’accumulation de ces essais/échecs, comme autant de strates venant éclairer les aspects parfois inconciliables de notre sujet, finit par dessiner en creux le corps même de l’œuvre.
Quel sera l’objet de ces tentatives ? En d’autres termes, qu’essayerons-nous ? Sur ce point l’ambition de Try again est à la hauteur de l’obsession du succès propre à nos sociétés contemporaines : immense. Nous essayerons tout. Tout ce qui aurait la moindre chance de nous permettre de déguster la plus grande variété d’échecs possible. Il y sera question d’entrées par la mauvaise porte, de souvenirs douloureux, de tours de cirque foirés, d’effondrements physiques extérieurs, d’effondrements physiques intérieurs, de
ruptures amoureuses, de mayonnaises ratées, de success-story avortées, de cibles manquées, de faillites d’entreprises, de dégringolades d’escaliers, de descensions sociales, de plantages informatiques, de grands drames familiaux, de pantalons oubliés, de prises de paroles étouffées, de représentations catastrophiques. (Liste non-exhaustive, disponibilité selon arrivage)
Nous ne négligerons aucun domaine pour laisser se dessiner peu à peu une topographie de la déconfiture. Je dis « nous » car j’inclus d’emblée le spectateur dans la production de cette tension poétique. En effet, tout au long de la vie du projet, nous n’aurons de cesse de rencontrer des gens de tous âges et de tous horizons par le biais de discussions, d’entretiens filmés et de formes d’actions culturelles à inventer encore. Les participants se verront offrir la possibilité de se « débarrasser » de leurs échecs personnels les plus cuisants, en les racontant d’abord.
Nous entrainerons notre empathie, la cultiverons pour accueillir et recueillir au mieux ces témoignages. L’universalité de nos sensations face aux échecs de toute nature nous sera pour cela d’une aide précieuse. Le goût de la déconvenue comme vecteur de lien. Cette grande récolte d’échecs ne sera pas une fin en soi : nous éprouverons la possibilité de faire acte artistique de l’essence même de ces récits personnels. Une fois collectés, nous nous appliquerons ensemble à les poétiser, à les décaler par l’absurde, nous chercherons comment les sublimer, les contredire ou les appuyer par un geste artistique propre à chacun d’eux.
Cette matière nourrira continuellement le spectacle, elle lui permettra de se réinventer au fil des représentations. De nouvelles scènes seront imaginées, de nouveaux témoignages intègreront régulièrement le spectacle par le biais de la vidéo, ou par l’intervention sur scène des personnes concernées lorsque cela sera possible.
« Plus on est de fous, mieux on rate » deviendra notre adage. Si la présence d’amateurs à mes côtés me permettra de rater jusqu’à la condition première du spectacle solo : être seul en scène, elle sera aussi pour eux l’occasion de raconter en direct leurs échecs, d’en proposer une relecture, « d’essayer à nouveau » en somme, et de rater à nouveau. De rater mieux encore.
Les échecs deviendront alors interchangeables, on essayera volontiers l’échec d’un autre, comme on essayerait son costume, pour voir comme on s’y sent, pour voir comme on y rate. La persévérance parfois presque absurde de l’être humain à insister, son instinct de survie, sa faculté d’adaptation extrême nous serviront de moteur. Devant tant d’acharnement, une éthique/esthétique du renversement se met bientôt à l’œuvre, transformant sur son passage la chute accidentelle en soubresaut inespéré, l’incompétence en incroyable, le raté en sublime. L’échec se révèle alors être un contrepoint parfaitement joyeux à l’obsession de réussite propre à notre époque.
DIMITRI HATTON
Dimitri Hatton est un artiste physique, et un créateur aux multiples facettes. Il utilise différents champs d’expressions dont le théâtre, la danse, le cirque ou l’installation pour inventer une écriture scénique insolite et unique. Le corps est au coeur de ce travail, toujours. Il étudie d’abord au conservatoire d’art dramatique d’Orléans, puis plus tard au CNAC (formation continue) et à l’école du Jeu. Très tôt il va se confronter aux publics auxquels il a accès, dans la rue, dans les bars, là où il peut.
Son parcours artistique se dessine ensuite au gré de rencontres décisives qui l’emmènent dans des directions bien distinctes, parfois presque antinomiques. Son travail clownesque l’entraine aux quatre coins du monde avec des compagnie comme Le Cirque Du Soleil, Les 7 doigts de la main ou La Soirée au sein desquelles il expérimente le gigantisme d’un “entertainment” à l’anglo-saxonne. En réponse, il développe en France et en Europe un travail plus personnel, porté sur l’exploration de nouvelles formes scéniques, notamment au travers de collaborations avec Mohamed El Khatib pour lequel il est interprète ou chorégraphe (Sheep, Stadium, La Dispute, Mes Parents) Adrien M & Claire B (Interprète et chorégraphe du projet Acqua Alta) ou Satchie Noro, avec laquelle il développe un univers singulier (Bruissements de Pelles, Mind the Gap)
En 2020, il fonde en région Centre-Val de Loire la Compagnie Les Beaux Fiascos pour porter ses projets à venir, à commencer par Try again, création 2023.