Peaux de Terres ::: sortie de résidence de la compagnie Praxinoscope
Peaux de terre
Le 6 juillet à 17:00, la compagnie Bak’in Gado présentera son travail, en bord de rivière, en bord de guinguette, prévoyez des vêtements que vous n’aurez pas peur de tâcher et rejoignez-nous !
Roue des sentiments est il un endroit où se touchent espoir et désespoir ? Cette image surréaliste me renvient en pensant à nos deux visites dans cette maison de retraite : une roue qui tourne, comme si la toute première enfance rejoignait les derniers âges de la vie. Il me fallait aller jusque là, suivre Émilie et Marion dans cet hospice, l’une avec la musique, l’autre avec son sourire et un corps qui danse, les chariots plein de terre, d’odeurs, de bassines d’eau, d’osier, de couleurs.
Une fée nous attendait, une fée pour nous accueillir, car les hommes aussi parfois sont des fées, un grand bonhomme lumineux, David face à un monstre triste dont il nous ouvrait les portes, ne sais où il trouve la force de tant de bienveillance.
Dans la pénombre et l’odeur des corps abimés, des fantômes sur des fauteuils roulants, fantômes d’eux mêmes, d’une vie passée. Nous avions installé un jardin derrière une grande baie vitrée, dehors la campagne écrasée de soleil. Qu’étais-je venu faire ici? Voyage au bout de la vie, je m’accrochais aux poèmes de Valérie. Ses mots se levaient droits, parlaient clair et tombaient juste, tellement juste. Je m’accrochais à eux. Marion passait de la guitare à l’accordéon, remuait le cœur et les souvenirs, réveillait des voix chevrotantes et des sourires, des pleurs aussi. Émilie, papillon, s’attardait sur des couleurs, caresse de l’argile sur des peaux si usées qu’elles en sont devenues transparentes.
Et l’émotion, bouleversement total, effondrement de soi. Les surréalistes avaient raison, alchimie des plus profondes joies et tristesses. Cœur d’enfant des vieux, une vie passée sur leur corps, ils sont les mêmes, élimés jusqu’à cette corde dernière qui vibre. Ma marionnette est un enfant, un tout jeune bébé. Tant de tendresse, de soif d’amour dans ses mains vieilles qui le serraient, l’embrassaient. Je n’aurais jamais cru cela, la mort si près de la naissance, et l’humanité nue.
Des pieds dansent, des pieds si fragiles qu’ils en avaient oublié la Terre.
Vincent Vergogne